La ville au rythme du commerce

Le décret du 7 mars dernier a statué en faveur des grandes enseignes de bricolage : les Leroy-Merlin et Castorama seront désormais autorisés à ouvrir le dimanche. La décision fait suite aux ouvertures illégales de l’an passé qui avaient réactivé le débat public sur le repos hebdomadaire partagé. Ces actions médiatiques témoignent d’un jeu de lobbying vieux de plus de 30 ans, visant une libéralisation accrue des temporalités du commerce. Il est vrai que les villes françaises ont longtemps obéi à des normes nationales régissant le fonctionnement de leurs commerces et services. Moyennant quelques variantes locales et des branches particulières, les magasins étaient généralement fermés le dimanche, voire le lundi. Un créneau de 9h à 19h, avec une fermeture d’une à deux heures à la mi-journée, apparaissait immuable dans le paysage urbain national.
Aujourd’hui, un autre mouvement anime ces villes : celui qui les tire vers une amplification des ouvertures, le midi, le soir, le dimanche ou à des périodes données (soldes, Noël…). La journée continue tend en effet à se généraliser : la pause du déjeuner n’est d’ores et déjà plus beaucoup marquée dans les métropoles régionales et elle recule jusque dans les villes moyennes, en particulier le samedi. Malgré tout, de fortes résistances à la continuité perdurent. Elles proviennent déjà de la réglementation qui n’opère que par dérogation. Mais on observe également une très forte inertie provenant des acteurs eux-mêmes : certains services à caractère commercial œuvrent au maintien des rythmes traditionnels (banques, cabinets d’assurance, agences immobilières, lieux de spectacle), d’autres agents conservent le statu quo autant par héritage culturel que par crainte des difficultés engendrées. Car l’évolution, venue des grandes firmes, pose de délicates questions économiques et sociales : elle peut accroître les difficultés de gestion de certains type de structures, parfois déjà en difficulté, autant qu’elle peut rendre difficile l’articulation des temps de vie des salariés. Aussi le débat public concernant l’ouverture dominicale met-il les citoyens et les politiques à l’épreuve d’un choix sociétal : les individus paraissent tiraillés entre leur désir de ville à consommer en 24/24, leur quête de synchronicité comme salariés et leur souci d’égalité.

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