Le programme de recherche-action Popsu consacré aux métropoles en est à sa troisième session. Comment avez-vous vu évoluer le regard sur elles ?
En 2017, au début du troisième programme, la tonalité était encore positive, le thème du colloque organisé à ce moment-là était « l’avenir du monde se joue dans les métropoles »… Il y avait tout de même l’idée que le fait métropolitain devait être accompagné, car il ne correspond pas à la culture française. Je vois trois explications à cela : en France, les gens ne sont pas fascinés par la ville, il y a une sorte « d’urbanophobie » latente, et nos grandes villes correspondent plus à des villes moyennes en Europe. Ensuite, les métropoles ont été associées à la globalisation économique, dont les effets sont très critiqués, donc on jette le bébé avec l’eau du bain. Mais la métropole peut aussi être autre chose, inclusive, hospitalière, résiliente. Enfin, du côté des élus, l’agenda institutionnel a donné l’impression qu’on ne s’occupait plus que des métropoles. Sur cet aspect, il est amusant de voir que l’histoire se répète : en 1964, la Datar avait inventé les métropoles d’équilibre – elles étaient huit métropoles en réseau. Et, dès 1973, sont créés les contrats d’aménagement des villes moyennes …
Pensez-vous que la pandémie signera le coup de grâce des métropoles ?
Les tendances lourdes ne se réorganisent pas aussi facilement. De tout temps, les métropoles ont connu des dynamiques démographiques fluctuantes, elles sont des lessiveuses, des lieux où on ne reste pas forcément longtemps – je pense notamment aux étudiants, qui, dans certaines villes, représentent jusqu’à 10% de la population. Mais les situations sont hétérogènes : les métropoles de l’ouest et du sud-ouest connaissent la croissance démographique et économique, d’autres moins, comme Lille, Strasbourg, Marseille ou Nice, sans compter la spécificité des petites métropoles. C’est ce que montre le programme Popsu : la diversité extrême des situations.
Le fil rouge du colloque organisé les 21 et 22 janvier est « les métropoles et les autres », c’est une sorte de rééquilibrage après le tout-métropoles ?
On ne peut comprendre le destin de chacun sans comprendre son système de relations, ses liens avec l’extérieur, ses interdépendances. La formalisation de cette interdépendance s’est faite avec les contrats de réciprocité, mais ils ne sont pas probants, car aujourd’hui, dans le système institutionnel, tout est fait pour que les collectivités n’aillent pas voir au-delà de leur périmètre. C’est chacun chez soi. Il n’y a pas de culture de coopération.
Dans les nouvelles intercos, des élus aux coopérations territoriales ont été nommés. Il va être intéressant de voir comment ils conçoivent cette coopération : vont-ils se tourner vers leurs voisins, vers des collectivités de même périmètre ? Par ailleurs, ce qui pèche dans tout ce que l’Etat a pu inventer, c’est que l’on reste sur une coopération entre institutions locales, sur leurs compétences. Par exemple, la santé n’est pas de la compétence directe des métropoles, mais je pense que le politique doit aller au-delà de ses compétences juridiques pour proposer de réfléchir collectivement aux interdépendances. Les métropoles peuvent être facilitatrices.
La transition écologique ne va-t-elle pas aussi obliger à mieux réfléchir ces interdépendances ?
Oui, on le sent, c’est un sujet politique. On n’a pas inventé les villes pour qu’elles soient dans l’autonomie alimentaire ou énergétique, elles ont toujours compté sur les autres. On retrouve cette idée d’interdépendance, mais se pose la question de l’échelle. La transition écologique devrait être un fort facteur d’amplification de ces ambitions d’interdépendances. Il faut sortir des périmètres : une métropole peut se proclamer zéro carbone, elle ne réussira pas seule.
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