Les politiques publiques de contrôle des loyers, comparaisons internationales et enseignements historiques (2016)

Ce rapport est issu d’une recherche financée par le PUCA et l’université Lyon II dans le cadre de son appel interne à projets (2014-2015). Il vise à élargir les perspectives de recherche sur le contrôle des loyers, dans un contexte où ce type de mesure est revenu sur le devant de la scène. Le renforcement de l’encadrement des loyers, dans le cadre de la loi ALUR, est ainsi entré en vigueur à Paris en août 2015. Les approches existantes se réduisent souvent à la mise en évidence d’effets pervers sans approfondir la genèse ni l’évolution des régimes de contrôle des loyers. Il s’agit ici, au contraire, de les situer dans leurs contextes historiques, géographiques et institutionnels. Cette perspective est justifiée par le fait qu’il y a un vide entre des travaux portant de façon très ciblée sur les impacts d’une mesure en particulier et des approches très générales, et la plupart du temps très critiques, sur le contrôle des loyers. La présente recherche ne vise pas à l’exhaustivité. Elle n’entend pas non plus déboucher sur des préconisations en matière de politique publique. Son ambition est d’apporter des éléments de connaissance et, par ce moyen, de nourrir la réflexion sur une mesure de politique publique qui fait l’objet de nombreux débats.

Contact : François Ménard


Objectifs

  • Proposer une analyse historique et comparatiste de l’émergence et de l’évolution des mesures de contrôle des loyers. Les pays d’Europe occidentale et les Etats-Unis ont été privilégiés, auxquels on peut comparer le cas français avec une certaine pertinence. L’objectif était notamment de mettre en perspective la réflexion sur le contrôle des loyers et de ne pas se contenter de reprendre la liste des effets pervers qui lui sont imputés.
  • Enrichir une base de données historique sur les loyers. Constituée dans le cadre d’une recherche (achevée), financée par l’ANR, cette base repose sur les archives d’un administrateur de biens lyonnais sur la période 1890-1968. Toutes les archives de cet administrateur des biens n’avaient pas été saisies dans la base de données initiale. Les financements accordés à la présente recherche ont permis d’y inclure des données sur des immeubles à bas loyer (théoriquement les plus concernés par le contrôle des loyers sur la période concernée). Ils ont également servi à saisir le détail des dépenses des propriétaires bailleurs (entretien, fiscalité, etc.) dont seul le montant global avait été saisi auparavant.
  • Exploiter ces données en mettant l’accent sur le rôle du contrôle des loyers. Elles ont ainsi été confrontées à des sources (primaires ou secondaires). Elles ont également fait l’objet de traitements économétriques visant à quantifier l’effet du contrôle des loyers sur le niveau des loyers et sur l’entretien des immeubles.

Les contributions

Le rapport se compose de sept contributions issues de différentes disciplines (histoire, économie, sociologie, sciences politiques, aménagement et urbanisme). Elles apportent des éclairages complémentaires sur différents aspects du contrôle des loyers. Certaines contributions s’appuient sur l’exploitation de la base de données mentionnée ci-dessus. Adoptant une focale différente, les autres contributions mènent une analyse historique des politiques d’encadrement à l’échelle nationale ou transnationale. Les trois premières contributions abordent la question de l’origine et de l’évolution des régimes de contrôle des loyers en Europe et aux États-Unis :

- la première porte sur la mise en application du moratoire en France durant la Première Guerre Mondiale, qui est la matrice des réglementations qui ont suivi et qui condense déjà toutes les critiques à l’encontre du contrôle des loyers.

- La deuxième porte sur la diversité des législations durant l’entre-deux-guerres et les trente glorieuses en s’interrogeant sur les raisons de la pérennité de régimes aussi décriés.

- La troisième se penche sur la période récente, et plus particulièrement sur les situations allemande et britannique. L’Allemagne a servi de modèle pour le renforcement du contrôle des loyers en France mais sons système de régulation du secteur locatif privé n’est pas conçu pour freiner les tendances. Le Royaume-Uni offre un exemple de dérégulation depuis les années Thatcher, mais la question de la stabilisation des loyers y est en débat, dans un contexte de renouveau du secteur locatif privé et de forte hausse des loyers.

- Les contributions suivantes étudient les effets du contrôle des loyers. Le premier chapitre de cette deuxième partie discute la notion d’effet pervers au prisme de laquelle le contrôle des loyers est le plus souvent étudié.

- Les contributions suivantes exploitent les données recueillies dans le cadre du présent projet pour approfondir deux effets fréquemment imputés au contrôle des loyers : le blocage de la mobilité résidentielle et le sous-entretien des logements (ce dernier point faisant l’objet de deux contributions).

Les résultats tendent à nuancer les critiques récurrentes adressées au contrôle des loyers, et en particulier ses effets sur les stratégies des acteurs. Le ralentissement de la mobilité résidentielle semble ainsi relativement peu corrélé aux rentes de situation des locataires bénéficiant de loyers contrôlés. Du côté des propriétaires, on n’a pas assisté de renoncement à entretenir les immeubles : les principales dépenses continuent à être assurées, à l’exception notable du blanchiment des façades, et l’argument de l’insuffisance des moyens pour faire face aux coûts d’entretien est loin d’avoir la même force sur toute la période. Symétriquement, les périodes de relèvement des loyers ne se traduisent pas tant par une augmentation des dépenses d’entretien que par une hausse du revenu des propriétaires. Ces résultats nuancés par rapport au discours dominant sur le sujet confirment l’intérêt d’approfondir la recherche sur ce thème.

>>Consulter le rapport

(juin 2015) Auteurs :
- Loïc Bonneval (porteur du projet) : maître de conférences en sociologie, Université de Lyon, Centre Max Weber UMR 5283 du CNRS, Université Lumière Lyon 2,
- François Robert, ingénieur de recherche, historien, Université de Lyon, TRIANGLE UMR 5206 du CNRS, CNRS,
- Florence Goffette-Nagot, directrice de recherche, économiste, Université de Lyon, GATE UMR 5824 du CNRS, CNRS,
- Roelof Verhage, maître de conférences en urbanisme et aménagement de l’espace, Université de Lyon, TRIANGLE UMR 5206 du CNRS, Université Lumière Lyon 2, directeur de l’Institut d’urbanisme de Lyon (IUL), Olivier LEMIRE-OSBORNE, mastérant IUL (sous la direction de Roelof Verhage) bénéficiant d’un financement de stage par le Labex Intelligence des mondes urbaines (IMU)

>>Séminaire de présentation du 28 janvier 2016

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