Portrait des deux Prix Spéciaux du Prix de thèse sur la ville - 2016
Prix spécial du jury du Prix de thèse sur la ville - 2016
Thomas Aguilera, Maître de conférences en science politique | Sciences Po Rennes Thèse de doctorat en science politique : « Gouverner les illégalismes urbains, les politiques publiques face aux squats et aux bidonvilles dans les régions de Paris et Madrid », thèse soutenue à l’Institut d’études politiques de Paris - Centre d’études européennes, sous la direction de Patrick LE GALES.- Quel est votre parcours universitaire et professionnel ?
Après une Classe préparatoire BL Lettres et Sciences Sociales à Toulouse (2005-2007) et fasciné par les questions urbaines j’ai décidé de m’orienter vers l’urbanisme et l’aménagement. J’ai suivi une année de licence d’études urbaines à l’Institut Français d’Urbanisme (Paris 8) et de géographie-aménagement à l’Université Toulouse-II-Le Mirail (2007-2008). J’ai ensuite suivi le master Stratégies Territoriales et Urbaines de Sciences Po Paris qui allie enseignements de recherche en sciences sociales et professionnalisation (2008-2010). J’ai rédigé un mémoire de recherche et obtenu un contrat doctoral pour débuter ma thèse en 2010 au Centre d’études européennes de Sciences Po sous la direction de Patrick Le Galès, et dans le cadre duquel j’ai enseigné la science politique, la sociologie, la géographie et les méthodes en sciences sociales. Entre 2013 et 2015, j’ai été ATER en science politique à Sciences Po Toulouse. Enfin, après avoir soutenu ma thèse en juin 2015, j’ai effectué des recherches postdoctorales à Londres sur les squats mais aussi sur les conflits autour de la régulation du tourisme (2015-2016). Je viens d’être recruté maître de conférences en science politique à Sciences Po Rennes où je suis maintenant coresponsable du master Gouverner les mutations territoriales.
- Qu’est ce qui a motivé le choix de votre sujet de thèse ?
Depuis le début de mes études supérieures, je m’étais spécialisé sur les questions de logement et de mal-logement que ce soit dans mes stages, mes cours et mes recherches. D’autre part, divers séjours en Espagne et en Amérique Latine m’ont poussé à m’intéresser à l’habitat informel et aux mouvements de squatteurs en France. A la rencontre de ces interrogations et intérêts personnels, j’ai rédigé un mémoire de master sur les politiques des squats à Paris et ai décidé d’élargir ce premier travail de trois façons : un autre illégalisme de logement (le bidonville) qui implique d’autres formes d’habitat et de populations ; une comparaison entre deux métropoles ; une meilleure prise en compte du temps long. Ce choix de la triple comparaison s’est imposé afin de monter un dispositif d’enquête et de démonstration menant à des analyses explicatives qui ne se limitaient pas à des analyses ethnographiques ou sociohistoriques de cas. Le choix de Madrid comme second cas a rapidement été fait : une ville qui accueille de nombreux de bidonvilles (notamment le plus grand d’Europe) et une institution spécifiquement en charge de les résorber ; c’est l’un des berceaux du mouvement squat européen sans qu’aucune politique autre que policière n’ait été mise en œuvre. Le cas était idéal pour tester mes premiers résultats de master.
- Quel impact sur votre carrière scientifique attendez-vous de ce prix de thèse ?
Ce n’est pas tant l’impact potentiel du prix de thèse sur ma carrière qui me réjouit que la reconnaissance par des spécialistes des questions urbaines de l’importance des enjeux que mon travail de recherche tente de mettre en évidence. Sur le plan académique, je suis ravi que ce prix reconnaisse un travail qui combine l’approche ethnographique avec des enquêtes auprès de nombreux acteurs très divers, d’analyse de bases de données quantitatives et d’analyse spatiale. Sur le volet politique, les questions de squats, de bidonvilles, et plus largement de mal-logement ou de l’informalité urbaine ont été en partie niées par les dirigeants politiques à la fin du XXème siècle, comme si elles ne représentaient des enjeux que pour les grandes métropoles des pays en développement, ou comme si les politiques publiques étaient parvenues en Europe à n’en faire que des problèmes du passé. Pourtant, des milliers de personnes vivent encore dans des squats et des bidonvilles parce qu’elles sont mises à distance des canaux d’accès au logement ou parce qu’elles aspirent à vivre différemment dans des lieux collectifs qui contribuent à animer des villes en manque d’inspiration. Ce prix de thèse permet ainsi de mettre en lumière les effets désastreux de certaines politiques publiques sur des groupes sociaux qui en sont plus victimes que bénéficiaires, mais aussi de démontrer qu’elles peuvent être changées sous l’effet de mouvements sociaux et du travail associatif pour donner lieu à des expérimentations plus intégratrices et qui ouvrent aujourd’hui des pistes d’action stimulantes, parfois en lien avec les institutions publiques, parfois en toute autonomie.
Prix spécial du jury du Prix de thèse sur la ville - 2016
Claire Lagesse,
maître de conférence en Géographie, au sein de l’UMR ThéMa, à l’Université Bourgogne Franche-Comté
Thèse de doctorat en physique :
« Lire les Lignes de la Ville. Méthodologie de caractérisation des graphes spatiaux », thèse soutenue à l’Université Paris Diderot - Laboratoire Matière et Systèmes Complexes, sous la direction conjointe de Stéphane DOUADY et Patricia BORDIN.
- Quel est votre parcours universitaire et professionnel ?
Après mon baccalauréat scientifique, j’ai fait deux années de classes préparatoires aux grandes écoles, en filière Mathématique / Physique, au centre international de Valbonne (CIV). J’ai ensuite intégré l’École Nationale des Sciences Géographiques (ENSG), grâce à laquelle je suis devenue ingénieur en Géomatique, avec une spécialisation en Informatique (Architecture des Systèmes d’Information Géographique). Mes stages dans des laboratoires de recherche (le NCGIA, à l’Université du Maine aux États-Unis et le CRC, laboratoire Mines ParisTech) m’ont donné envie de continuer dans cette voie.
À la suite de mes études, j’ai travaillé pendant un an en tant qu’ingénieur pour la valorisation de la recherche, au sein de l’équipe pluridisciplinaire MorphoCity*. J’ai poursuivi à ses côtés par trois années de thèse à l’Université Paris-Diderot, Sorbonne Paris-Cité, encadrée par Stéphane Douady (physicien, CNRS, laboratoire MSC) et Patricia Bordin (géomaticienne, ESTP, LIED). J’ai soutenu ma thèse en Physique, le 25 septembre 2015. J’ai ensuite effectué un postdoctorat en Géographie à l’UMR Géographie-Cités, participant au projet ERC World Seastems**. À partir du 1er septembre 2016, je serai maître de conférence en Géographie, au sein de l’UMR ThéMa, à l’Université Bourgogne Franche-Comté.
*co-dirigée par Philippe Bonnin et Stéphane Douady, portée par l’ANR MoNuMoVi.
** dirigé par César Ducruet
- Qu’est-ce qui a motivé le choix de votre sujet de thèse ?
Ma formation de géomaticienne m’orientait vers un sujet qui mêlait mathématiques, informatique et géographie. Ce qui m’a particulièrement intéressée dans celui proposé par Stéphane Douady et l’équipe MorphoCity était la philosophie de recherche : extraire d’un système éminemment complexe - la ville - un objet géographique dont on considère uniquement la géométrie - l’ensemble de ses rues - pour retracer son Histoire. Cela ouvrait vers la théorie des graphes, science des réseaux complexes qui m’intéresse tout particulièrement, pour comprendre un espace fondamentalement humain.
En effet, la ville est un système créé par l’homme, pour l’homme, à la croisée de problématiques sociales, politiques, économiques, architecturales, mais également physiques puisqu’elle s’inscrit dans un espace géographique. Cet aspect interdisciplinaire et l’application à des problématiques humaines font la richesse de ce sujet.
Enfin, j’aimais particulièrement l’idée de concentrer ma recherche sur l’élaboration d’une méthodologie pouvant être utilisée quelque soit la ville, et pouvant s’ouvrir à tous les réseaux complexes spatialisés. Il fallait donc rendre la méthode générique, s’appuyant uniquement sur la géométrie. Le défi proposé par ce travail consistait à montrer que les résultats obtenus sont pertinents indépendamment du type de tissu urbain, et que même si les données sur lesquelles repose la lecture sont minimales, l’analyse apporte un grand nombre d’informations sur l’espace étudié. La collaboration avec des urbanistes et aménageurs dans ce cadre a été passionnante.
Avant de me lancer dans mon travail de thèse, je ne pouvais qu’entrevoir tous ces aspects. Ce sont donc avant tout les discussions captivantes avec les membres de l’équipe MorphoCity qui m’ont fait approcher la profondeur des questions qu’ils abordent et donné envie d’y réfléchir avec eux.
- Quel impact sur votre carrière scientifique attendez-vous de ce prix de thèse ?
Ce prix de thèse souligne la fertilité de la collaboration interdisciplinaire. Il récompense toute l’équipe de recherche dont les discussions m’ont portée dans la construction de mon travail. Il est une opportunité de visibilité, et pourra, je l’espère, amorcer des collaborations fructueuses.
Le fait d’avoir obtenu un prix spécifiquement pensé pour les thèses abordant la ville me permettra également d’appuyer mes recherches auprès des cabinets d’urbanisme et des collectivités territoriales. J’aimerais ainsi poursuivre les applications liées à l’aménagement urbain, proposant mes résultats en complément de la réflexion des spécialistes.
Dans mon travail, je suis passionnée par l’exploration du lien entre sciences exactes et sciences humaines, analyse quantitative et qualitative, recherche théorique et projets appliqués… Ce prix est une belle valorisation de mes premiers pas sur ce chemin.
En savoir plus sur le Prix de thèse sur la ville - 11e édition, 2016