Copropriétés : vers une transition juridique ? - 2018-2020

Pour faciliter la réalisation de travaux d’amélioration des parties communes en copropriété dans le cadre de la transition énergétique selon une dynamique de projet collectif adapté aux immeubles et aux ménages concernés, le PUCA a lancé en 2015 un appel à propositions de travaux de recherche et d’étude.

Contexte et enjeux :

Le 10 juillet 1965, la France s’est dotée d’une loi fondatrice fixant le statut des immeubles en copropriété. La copropriété y est définie comme « tout immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis dont la propriété est répartie, entre plusieurs personnes, par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part de parties communes » (article 1er).
La loi prévoit la préservation des droits de chaque copropriétaire, l’organisation de la gestion et de l’administration de l’immeuble notamment par la définition des prérogatives de l’assemblée, du syndic et du conseil syndical et la détermination des règles de majorité.
Aujourd’hui, 8,4 millions de logements, soit près du tiers du parc national, sont soumis à ce cadre juridique, soucieux d’un équilibre entre les droits individuels et l’intérêt collectif. En cinquante ans, la loi a connu une quarantaine de modifications pour adapter le régime des copropriétés à l’évolution économique, sociale et environnementale tout en tenant compte des difficultés rencontrées dans sa mise en œuvre et des apports de la doctrine et de la jurisprudence. Durant cette période, le nombre d’articles de la loi est passé de quarante-huit à cent sept.
Les textes relatifs à la copropriété sont devenus arborescents et complexes. Il en résulte selon les mots du Président de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, Franck Terrier, un contentieux inépuisable également marqué par la pugnacité des plaideurs au procès, soucieux de leurs droits de « propriétaires » tant sur les parties privatives que sur les parties communes. Les copropriétaires oublient parfois qu’ils font partie d’une collectivité régie par une assemblée générale.
Aujourd’hui, la loi permet aux copropriétés d’organiser leur gestion courante, mais la situation des copropriétés face au gros entretien et à la gestion patrimoniale à moyen terme comme à long terme n’est pas uniforme et se révèle être plus délicate.
Elle dépend de plusieurs paramètres tels que l’ampleur des travaux nécessaires, les spécificités de l’immeuble, la gestion et le fonctionnement de la copropriété et les caractéristiques individuelles des copropriétaires y compris leurs capacités financières.
Ainsi, lorsque le coût des travaux dépasse 5% de la valeur des lots privatifs, la mise en œuvre d’une gestion patrimoniale rencontre des difficultés. Indépendamment, du coût des travaux, tout contexte suspicieux entre les copropriétaires ou entre le syndic et les copropriétaires entrave la prise de décision. Des reports de décision et des décisions inadaptées sont couramment observés avec, à la clé, la fragilisation de la situation financière de la copropriété.

Comment faire face à une telle situation ?
La loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové a ouvert de nouvelles perspectives en rendant obligatoire le diagnostic technique global, en renforçant l’information à l’acquéreur en cas de vente d’un lot, en abaissant le seuil de la majorité pour prendre les décisions relatives à la réalisation de travaux mais aussi en imposant l’ouverture d’un compte bancaire séparé pour la copropriété ainsi que l’immatriculation des copropriétés.
Les nouvelles dispositions législatives s’inscrivent dans le prolongement des évolutions précédentes de la loi du 10 juillet 1965. Accompagnées de mesures incitatives, sont-elles à même de résoudre les causes des dysfonctionnements repérés ? Vont-elles mettre en mouvement les copropriétés nécessitant des travaux d’économie d’énergie et de gros entretien tout en assurant un équilibre entre le droit individuel et les besoins de gestion collective ?
Les principales difficultés rencontrées portent sur la question des travaux de gros entretien à prévoir sur les parties communes, propriété indivise. La gouvernance organisée autour d’une assemblée souveraine se réunissant une fois par an, d’un syndic mandataire et d’un conseil syndical consultatif est-elle adaptée aux nouveaux enjeux ? Le contrôle de gestion confié au conseil syndical apparaît-il suffisant et à même de créer un climat de confiance nécessaire au bon fonctionnement et à la prise de décision dans les copropriétés ?
Au-delà de ces récentes avancées, le socle juridique actuel constitue-t-il un frein à la rénovation des immeubles collectifs privés indispensable pour maintenir les immeubles en bon état et assurer la transition énergétique de notre pays ?
Pour dépasser les difficultés récurrentes et renforcer les effets des dernières modifications de la loi et, il apparaît utile de solliciter la recherche et l’expertise afin de repenser le cadre juridique existant. Celui-ci peut soutenir les avancées engagées par les acteurs publics et privés pour favoriser l’amélioration des immeubles en copropriété.

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Responsable : Eva Simon

Projet de recherche :

L’équipe de recherche retenue est composée de chercheurs, d’enseignants, de juristes, de sociologues de l’Université de Nanterre et de l’Université de Lille. Elle est coordonnée par Marie-Pierre Lefeuvre (sociologue) de l’Université François Rabelais de Tours.

A la lumière de l’expérience française mais aussi de celle d’autres pays, un rapport intitulé « Les copropriétés : vers une transition juridique ? » présente une proposition d’évolution du cadre juridique des copropriétés visant à faciliter la prise de décision et la gestion des copropriétés dans leur ensemble.
Ces propositions veilleront aux besoins des copropriétés en recherchant une convergence entre le droit individuel et le droit collectif.

Entre propriété privée et gestion collective, les mondes de la copropriété
La copropriété se caractérise par une tension entre propriété privée et gestion collective. Cette tension n’exclut pas que les comportements patrimoniaux et les actions collectives puissent s’articuler, voire converger, mais cette convergence se construit. De la comparaison entre la France et d’autres pays grâce aux apports de chercheurs locaux : le Québec, le Portugal, l’Argentine, la Russie, la Grande-Bretagne, le Japon et la Belgique ressortent des pistes de réflexion relatives au statut, à l’appropriation de l’immeuble et au règlement qui viendront enrichir les travaux menés par le ministère de la Justice sur la loi de copropriété.

Résultats de l’action :

  • Lire aussi : article dans la Revue (AJI) Actualité juridique immobilière n°2, février 2020

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