CUH - Conception et Usage de l’Habitat (1983-1989)

En 1981 une nouvelle orientation se fait jour qui cherche à associer conception architecturale et réflexion sur les usages et modes de vie dans le processus d’innovation. Les sciences sociales, déjà présentes dans le suivi des Réalisations EXpérimentales (REX), sont largement invitées à contribuer à cette démarche. Le programme CUH (1983-1989) est mis en place pour répondre spécifiquement à cette demande.

L’objectif est de travailler sur la qualité des logements tout en maintenant une maîtrise des coûts. Les différentes thématiques des appels d’offre devaient permettre de faire émerger les demandes et attentes de l’usager. Le thème de la participation, si fortement présent dans les années 70, fait retour à cette occasion mais en découvrant d’autres problématiques.

Les thèmes des appels d’offre thématiques ont été reconduits souvent sur plusieurs années et peuvent être regroupés sous les intitulés suivants :

  • Apprentissage d’un processus de conception pragmatique
  • Le logement, outil d’aménagement urbain
  • Les savoir-faire de la réhabilitation du patrimoine social
  • Le bâtiment, objet d’innovation architecturale
  • Faisabilité et conditions de pertinence d’un habitat évolutif

Consultations

1983
>>> Appels d’offre de recherche

  • Cohabitation des groupes sociaux, démocratie locale
  • Appropriation et maîtrise d’ouvrage collective
  • Évolution des usages, évolution de techniques et conception des opérations - Place des savoirs techniques dans la conception

1984
>>> Orientations et objectifs
Interroger le processus de conception pour réduire les coupures entre savoirs sur l’habiter, sur l’urbain, sur la technique, et appréhender les conditions d’une maîtrise d’ouvrage collective, en liaison avec le plan urbain. Traiter des rapports de cohabitation et de l’appropriation dans l’habitat.

>>> Appels d’offre de recherche

  • Savoirs techniques et conception de l’habitat
  • Cohabitation des groupes sociaux
  • Appropriation et maîtrise d’ouvrage collective

1985
>>> Orientations et objectifs
Optimiser l’adéquation des processus, méthodes et produits de la conception aussi bien de l’habitat neuf qu’existant dans leur relation à la demande sociale et à l’usage afin d’aboutir à la production d’un habitat de qualité.

>>> Appels d’offre de recherche

  • Place des savoirs techniques dans la conception
  • Intégration dans la conception des connaissances sur les modes de vie
  • Rôle de la conception des espaces dans les phénomènes d’appropriation

1986
>>> Orientations et objectifs
Assurer l’efficacité sociale et l’optimisation du processus de programmation et de conception par la prise en compte de la demande et des valeurs d’usage sociales dans leur caractère dynamique tant au niveau de l’habitat existant que dans le neuf.

>>> Appels d’offre de recherche

  • Sécurité et insécurité dans l’habitat
  • Interaction entre espaces publics et espaces de l’habitat
  • Évolution entre habitat et travail

Synthèse des résultats

En 1979, une note questionne : qu’est-ce que l’innovation architecturale à caractère expérimental ? Selon les auteurs de cette note, l’innovation architecturale a à voir avec quatre problématiques :

  • la qualité, sous ses différents aspects : formels et fonctionnels, relations entre intérieur et extérieur, entre espaces privés et espaces publics, insertion dans l’environnement, dans le tissu urbain, dans le contexte culturel ;
  • l’adéquation à la demande sociale et aux nouveaux usages de l’habitat ;
  • le progrès technique ;
  • le processus de conception et de réalisation, la répartition des missions entre acteurs et la coordination.

Le programme CUH s’inscrit dans le prolongement de ces réflexions. Mais il s’en démarque en ce qu’il souhaite s’intéresser moins aux rapports entre l’objet architectural et ses usages qu’au processus (étudié sous l’angle des rapports entre acteurs, les habitants étant considérés comme un de ces acteurs) qui conduit à la conception de cet objet et influe sur son usage. « Ni laboratoire social ni pourvoyeur de formes urbaines, le programme entend… faire évoluer les pratiques de conception en fonction des transformations sociales et interroger la pertinence des formes spatiales et de l’esthétique par rapport aux usages ».

Deux années de gestation ont précédé la création du programme. Ce travail s’est conclu par la publication d’une charte des REX, qui définit les « règles du jeu » des opérations expérimentales sur la conception et l’usage de l’habitat. Au-delà du rappel des principes généraux s’appliquant à l’expérimentation (hypothèses à tester, cadre méthodologique, évaluation…), la charte énonce les problématiques expérimentales — place et poids du projet architectural dans la qualification et la pratique des espaces du logement, incidence du contexte urbain et social sur l’opération de logements, articulation des savoirs architecturaux et constructifs dans une pratique du projet fondée sur l’usage - ainsi que les thèmes - diversification, évolutivité de l’habitat, articulation entre tradition et modernité, unité de vie urbaine, rapports entre logement, espace public et lieux intermédiaires qu’ils souhaitent traiter.

La première période des REX, avec la recherche sur les « modèles innovation » proposait des structures constructives permettant de tester l’idée de la « flexibilité » des logements. La cloison mobile est le symbole de cette période mais l’on va très vite découvrir les limites de la « flexibilité », mal accueillie par les habitants, avant de l’abandonner.

La réflexion autour des usages est très présente et les réflexions vont alors principalement porter sur la question des modes « d’appropriation » de l’espace, aussi bien à l’échelle des quartiers, de la ville que du logement.

Dans le prolongement de cette question, celle de la « qualité » du « produit » s’avère centrale. La réponse en la matière s’énonce le plus souvent dans la recherche d’un agrandissement des surfaces habitables. Une première piste propose tout simplement d’agrandir la surface du logement à la manière de Jean Nouvel pour le projet Nemausus. Une seconde voie propose un « habitat évolutif » qui fonctionne par extension en fonction de besoins et des moyens des familles.

La volonté d’associer la recherche en sciences humaines à la démarche constructive va durablement marquer le rapport entre maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrage. La donnée qualitative va désormais prendre le devant dans les débats sur la production de logement. Si la question de la maîtrise des coûts de construction reste fortement présente, la question du rapport qualité/prix est prédominante dans les préoccupations du Plan construction.

Le souci d’intégrer la demande des usagers est au centre de cette démarche. La « participation », déjà apparue dans les années 70, permet de différencier les approches et les thématiques. On pourrait les résumer en disant qu’elles interrogent d’un point de vue architectural et spatial le rapport entre intérieur et extérieur du logement dans les configurations les plus diverses. Espaces privés, semi-privés, publics sont étudiés et mis en valeur à propos de tous les aménagements (jardinet, cage d’escalier, rue, quartier, etc.). À ces questionnements sur l’espace, sont abordées celles de la cohabitation, de la sécurité, comme de l’identité des quartiers. Un troisième ordre d’interrogation scrute le processus de conception lui-même en cherchant à comprendre comment chacune de ces dimensions apparaît au cours l’élaboration du projet.

Le laboratoire que constitue CUH prolongera ses questionnements durablement pendant les décennies avenirs et l’on peut considérer que de ce point de vue initiateur il fut un succès. D’une certaine manière, on comprend comment la question de l’environnement ou du paysage va trouver leur prolongement à partir de ce cadre initial.


En lien

Partager la page