Les dynamiques spatiales de la ville « financiarisée » : le cas de Santiago du Chili

La tour d’appartements du centre-ville de Santiago et le méga-projet pavillonnaire de sa périphérie sont deux manifestations de la « financiarisation » de la filière du logement chilien. La première, construite grâce à des fonds cotés en bourse, et le deuxième, financé par des compagnies d’assurances, n’auraient pas pu voir le jour sans un accès au marché des capitaux. Au Chili, le début du phénomène est identifié à 1981, date de la réforme du système des retraites. Celle-ci a doté le pays d’un secteur bancaire et financier puissant, au moment où la demande résidentielle croissait.
Au cours des années 1990, les élites financières en pleine expansion ont découvert dans la production de l’urbain une alternative pour la valorisation de leurs ressources.
Les dynamiques spatiales se retrouvent depuis infléchies par de nouveaux impératifs : rentabilité, maîtrise du risque, vitesse de rotation du capital. Des critères qui s’impriment sur les opérations actuelles, à la taille plus grande et au rythme de production accéléré, suspendues aux aléas du marché.
L’activité des investisseurs ne façonne pas pour autant des paysages complètement uniformes : ils diffèrent en fonction du bailleur de fonds impliqué et de la stratégie de création de valeur choisie. En outre, en s’enracinant dans un endroit précis, le « capital » doit négocier et s’adapter à des logiques préexistantes : les territoires peuvent être conditionnés par des patrimoines familiaux, régis par des cadres réglementaires complexes, etc. Au Chili, la territorialisation des investissements s’est appuyée sur un agent au savoir- faire particulier : le promoteur immobilier. Ce dernier apporte une expertise sur les dynamiques immobilières locales et détient un rôle d’intermédiation fondamental pour lever les obstacles bloquant la réalisation des projets. Il a su adapter les programmes résidentiels aux exigences financières.
Les logiques financières se sont ainsi immiscées dans le jeu des propriétaires fonciers, des autorités publiques et des promoteurs. Elles redéfinissent donc la ville et le rôle de ses producteurs, au risque, en périphérie, de voir des territoires gigantesques définis par une poignée d’acteurs « financiarisés » et de laisser indéterminées les frais liés à la gestion des espaces publics.

Partager la page