L’accueil, la circulation et l’installation des migrants (2015-2021)

La question des migrants, de leur circulation, de leur installation et de leur parcours résidentiel, lorsqu’il a lieu, intéresse le territoire. Elle l’intéresse non pas seulement en vertu des pouvoirs de police qui s’exercent en son nom mais en raison des enjeux proprement territoriaux qui s’y jouent et le constituent. Les établissements humains, quelle qu’en soit la forme -du campement au lotissement, du village à la métropole- sont le produit de ces flux, légaux et illégaux, qu’ils soient souhaités ou non. Phénomène historique établi (le patrimoine matériel et immatériel des villes en témoignent), ce processus se renouvelle sous les effets combinés des guerres, des crises économiques, du partage inégal des richesses et, demain, des effets du changement climatique.

Des villes accueillent aujourd’hui ces migrants et exilés. Elles le font de façon volontariste parfois, tentant d’assumer la part d’hospitalité constitutive de toute organisation humaine qui place les droits de l’individu au fondement de leur constitution. Elles le font de façon contrainte et « à reculons » également, laissant alors l’arbitraire s’installer, jetant un voile d’ignorance sur une gestion autoritaire des flux conduisant alors à la violence et à l’indignité. Entre les deux, des pratiques s’inventent et des installations temporaires engagées sous le sceau de la précarité se consolident. Des solidarités voient le jour et des formes d’urbanité émergent aux marges des villes, dans leurs interstices ou dans les infrastructures d’urgence les plus éloignées en apparence de ce qui constitue les bases de la condition urbaine : le droit d’habiter et de circuler à sa guise.

Il n’est pas question ici de porter un jugement sur la conduite des hommes et des femmes ou même des sociétés engagées dans ces processus mais d’examiner les conditions par lesquelles un territoire peut faire place à ces flux et faire droit aux hommes et aux femmes qui les composent : comment passer de l’indécence à la décence, de l’illégal au toléré, du campement à la ville, de la fuite au projet, bref comment reconnaître dans des situations que chacun pourra trouver inacceptables à l’aune de ses propres critères, la possibilité d’une alternative satisfaisante du point de vue du droit de ceux qui migrent comme de ceux qui demeurent, de ceux qui circulent comme de ceux qui s’installent, de ceux qui craignent pour leur identité comme de ceux qui craignent pour leur vie.

En savoir plus :
Chargés de projets : François Ménard, Lionel Martins
Valorisation : Bénédicte Bercovici

Résultats de l’action

  • Evolution des représentations et amélioration des conditions de vie dans deux bidonvilles en Essonne - 2015 - PEROU

L’action menée avec l’association PEROU sur les bidonvilles de Ris-Orangis et de Grigny, vise à changer de paradigme, ce que l’association formule de la manière suivante « construire vaut mieux que détruire ». Cela s’est traduit en particulier par l’installation d’une « ambassade » dans le bidonville, l’organisation d’événements culturels et la participation avec des architectes et des artistes à l’amélioration concrète des conditions de vie. D’un point de vue plus général, cette expérimentation se propose d’accepter les campements et de les transformer en lieux dignes afin d’en examiner les potentialités d’insertion, plutôt que de chercher à tout prix l’évacuation. Le Puca a soutenu la dimension réflexive et la production d’une analyse sur l’expérience menée dans le cadre du programme Hors champ de la production urbaine.
Rapport du PEROU « Partir du bidonville. Une micro-expérimentation constructive », 2015 -
Annexes du rapport

  • Décrire et re-présenter une urbanité en action : la dite « New jungle » de Calais - 2015-2016 - PEROU

À l’orée du XXIe siècle, la dite « New-Jungle » s’est développée en lisière de Calais : plusieurs milliers de personnes habitent en le construisant ce territoire notamment constitué de lieux de cultes, d’écoles, de boîtes de nuit, d’un hôpital, de commerces et restaurants nombreux, d’habitats du monde entier, d’une représentation politique incarnée dans un « Conseil des exilés ». Pourtant, les récits disponibles s’acharnent à ne rendre compte que de misère, errance, indignité, douleur. Un texte manque, donnant à entendre ce qui s’invente ici-même. Un texte manque, donnant à saisir qu’un acte collectif extraordinaire se joue à Calais au devant du XXIe siècle, qu’une ville-monde se dessine ici-même face à laquelle les deux hypothèses de l’éradication ou de la normalisation semblent intenables.
L’association PEROU (Pôle d’exploration des ressources urbaines) a souhaité ouvrir l’espace de ce texte manquant et rassembler pour ce faire cartographes, anthropologues, sociologues, paysagistes, architectes et urbanistes afin de mieux comprendre cette ville nouvelle. Une enquête a été conduite entre l’automne 2015 et l’été 2016.
En savoir plus

  • Parcours de l’exilé, du refuge à l’installation, 2018 - Catherine Deschamps, EVCAU, ENSA Paris Val de Seine, Jean-François Laé, GTM-CRESPPA, Université Paris 8, Laetitia Overney, IPRAUS, ENSA Paris Belleville, Bruno Proth, EVCAU, ATE, ENSA de Normandie

Conduite par des anthropologues et des sociologues, cette recherche exploratoire a effectué un suivi d’exilés afin d’observer, de comprendre et de décrypter le maillage de services, de relations d’aide, de liens de protections et de lieux mis à disposition qui conduisent à des installations durables.
Qu’est-ce que s’installer durablement veut dire pour eux ? Comment pensent-ils leur "carrière de réfugié" ?
Pour répondre à ces questions de manière concrète et pragmatique, l’équipe pointe l’ensemble des facteurs (statut, protection sociale, ressources, pratiques effectives) qui constituent l’installation puis analyse les points de bascule dans les parcours, l’usage des réseaux d’aide institutionnelle et de solidarité informelle.
Consulter l’ouvrage Parcours de l’exilé, du refuge à l’installation, collection Réflexions en partage

  • Vers la ville accueillante. Enseignements du cas de Grande Synthe, 2018, direction Cyrille Hanappe (Actes et Cités)

Cette recherche menée par une équipe pluridisciplinaire liée à l’ENSA Paris Belleville permet, à partir de l’analyse de Grande Synthe, d’apporter un éclairage sur la figure du campement construit à l’initiative de collectivités selon les normes du camp « humanitaire ». Il s’agit d’examiner les interactions de ce campement avec la ville, à quelles conditions il peut en constituer un nouveau quartier ou participer à un nouveau régime d’hospitalité urbaine. La recherche est co-financée par la mairie de Grande Synthe.
L’ouvrage comprend :
- des résultats d’enquête (diverses analyses thématiques du fonctionnement social et urbain du camp de La Linière à Grande Synthe)
- un reportage photographique
- des contributions de chercheurs
- et des scénarios prospectifs sur ce que pourrait être une "ville accueillante".

Ouvrage : La ville accueillante - Accueillir à Grande-Synthe. Question théoriques et pratiques sur les exilés, l’architecture et la ville
Sous la direction de Cyrille Hanappe
Michel Agier, Céline Barré, Dorothée Boccara, Franck Esnée, Bruno Fert, Valérie Foucher-Dufoix, Amalle Gualleze, Cyrille Hanappe, Olivier Leclercq, Michel Lussault, Michaël Neuman
Colloque "La ville accueillante", Jeudi 16 Mai 2019, Cité de L’Architecture & du Patrimoine,

Cyrille Hanappe, « Un nouvel urbanisme pour accueillir celui qui vient », in : Michel Agier (dir.), Dossier « Les villes accueillantes », De facto [En ligne], 16 | Février 2020, mis en ligne le 26 février 2020.

  • Gouvernance de l’accueil et expériences d’exilés dans les villes petites et moyennes ? Recherche Exploratoire Lab’Urba –PUCA
    Synthèse - Enquête menée par Camille Gardesse, Christine Lelévrier et Mariana Tournon, mai –décembre 2019 - Synthèse rédigée par Camille Gardesse et Christine Lelévrier, Mars 2021
    Consulter l’ouvrage, Editions Puca, collection Réflexions en partage
  • Villes et réseaux de villes face à la question migratoire

La période contemporaine est marquée par un processus, inédit par son ampleur et sa profondeur, de mondialisation économique, politique, culturelle, environnementale. Cette « troisième mondialisation » contribue à la mutation du rapport des sociétés à un espace désormais planétarisé. Face visible de cette mutation, la récente « crise des migrants » renvoie à une transformation profonde de la donne géopolitique planétaire susceptible d’affecter durablement le développement urbain. Dans ce contexte, certaines municipalités européennes lancent des initiatives collectives au sein de réseaux de villes pour promouvoir une politique d’accueil et d’intégration des demandeurs d’asile. Ces initiatives ouvrent un vaste chantier de recherche. Un chantier que l’action de recherche s’attachera à éclairer, en prenant comme objet d’analyse les réseaux transnationaux de villes, et en s’intéressant à la manière dont les gouvernements urbains se saisissent (ou non) de ces réseaux pour construire et institutionnaliser une politique locale pour répondre à la question migratoire.
En savoir plus

  • Colloque Etre métropole dans un monde incertain (POPSU) Session 4 Rendre la métropole accueillante - septembre 2017

Président de session : Marco CREMASCHI, Professeur des Universités, Sciences Po Paris

- Mathieu BERGER, Professeur, Université catholique de Louvain - Métrolab, Bruxelles
- Nicolas BUCHOUD, Président, Cercle Grand Paris de l’investissement durable
- Frank ECKARDT, Professeur, Université de Weimar
- Fabrice ESCAFFRE, Maître de conférence, Université Toulouse-Jean Jaurès/LISST-Cieu
- Jean-Claude GONDARD, Directeur Général des Services, Ville de Marseille
- Daniel LATOUCHE, Professeur, politologue, Montréal

  • Les villes moyennes : nouveaux lieux et nouveaux acteurs de l’accueil des migrants en Europe ?

Les villes moyennes et petites constituent des espaces de passage ou d’ancrage dans les trajectoires des migrants. Elles jouent également un rôle de plus en plus important dans les politiques de « réinstallation » des réfugiés, en France et en Europe. Des filières institutionnelles, européennes et nationales, orientent ainsi des réfugiés et demandeurs d’asile d’origines diverses vers ces territoires. Pour autant, ce mouvement ne va pas de soi : ces lieux ne correspondent pas vraiment aux espaces traditionnels d’arrivée des migrants, les « arrival city » analysés par la recherche ; les conditions de mobilité et d’accès à l’emploi, aux équipements et aux services n’y sont pas non plus les mêmes ; enfin, la diversité sociale et ethnique n’y a pas grand-chose à voir avec celle des métropoles globales. Mais les villes ne sont pas seulement des espaces de réception et des lieux de vie, d’ancrage ou de passage. Ce sont aussi des acteurs collectifs et politiques dont les discours et pratiques s’ajustent à ces contraintes mais peuvent répondre à des intérêts locaux. Des politiques d’accueil européennes et nationales peuvent ainsi rencontrer un écho sur des territoires en déprise démographique. Pour ces différentes raisons, ces villes « hors métropoles » – peu étudiées sous cet angle -constituent un objet pertinent pour mieux comprendre les processus migratoires à l’œuvre dans l’espace européen depuis une dizaine d’années mais aussi pour en mieux éclairer les politiques qui s’y déploient à bas bruit.
Le Lab’Urba propose d’interroger les mécanismes et les filières qui conduisent les migrants et réfugiés vers ces lieux, les reconfigurations socio-spatiales des villes concernées et leur gouvernance, mais également les interactions avec les trajectoires et l’ancrage de ces migrants. Cette recherche est conduite sous la direction de Christine Lelevrier et de Camille Gardesse.

Partager la page