Les immeubles d’habitation à « cour couverte » : évaluation d’expérimentation

Les immeubles d’habitation collectifs à « cour couverte » sont une formule dont on peut trouver le modèle des expériences actuelles dans le Familistère de l’entrepreneur Jean-Baptiste Godin. Testée dans quelques cas dans le contexte de la fin des années 70, après les « premiers chocs pétroliers », dans le cadre des recherches sur le bioclimatisme et la récupération de « l’effet de serre », mais sous une forme se rapprochant davantage des passages couverts du XIXe siècle que du Palais Social de Godin, elle n’avait alors pas vraiment convaincu. Elle réapparaît aujourd’hui, 25 ans plus tard, à la faveur des renforcements des réglementations thermiques 2005 et 2012.

Les expériences des années 70/80, relatées notamment par l’AUA (qui en était l’un des principaux promoteurs), dans la publication « Les rues couvertes », (AUA, édition du PCA, 1982) et par Jean-Michel Léger dans "Derniers Domiciles Connus" (Editions Creaphis, 1990 - recherche PCA), avaient été émaillées d’incidents et défauts techniques, et n’avaient pas séduit les maîtres d’ouvrage, et la réglementation de la construction a sanctionné la formule en 1984, en interdisant purement et simplement les « cours couvertes ».

Toutefois, certains faits nouveaux depuis 1980 ont conduit le PUCA à accepter d’accompagner, à titre expérimental, et sous réserve d’une évaluation rigoureuse, de nouveaux projets d’immeubles d’habitation collectifs à « cour couverte » dérogeant au Code de la Construction et de l’Habitat (CCH) :

  • d’une part, les outils de simulation numérique des « ambiances » donnent aujourd’hui des moyens aux équipes de conception pour modéliser et anticiper le comportement de ce type d’espaces, devenus par ailleurs courants dans les immeubles tertiaires et les espaces de travail,
  • d’autre part, le développement des techniques domotiques permettent de développer des automatismes permettant d’envisager de gérer finement la ventilation naturelle et la climatisation de ces espaces couverts.

Reste à en démontrer le bien fondé quand on les applique au contexte pratique de l’habitat courant. Pour ce faire, le PUCA, a accepté d’accompagner quelques expériences dans ce domaine, portées par des maîtres d’œuvre de renom.

Expériences menées
  • Immeuble « Eden Square » à Chantepie, œuvre de Christian Hauvette et réalisée en promotion privée par le groupe Launay, livré en 2012/2013
  • Immeuble A de l’îlot Etranger/Blanqui/Achard, conçu par l’Atelier Nicolas Michelin Architectes sous la maîtrise d’ouvrage du bailleur social Domofrance à Bordeaux, dans le quartier des Bassins à Flots
  • Immeuble dans le même ilot, dit « Origin Nativ », ces deux derniers immeubles ayant été livrés en 2015, du même architecte pour le compte du promoteur Nexity (SNC Bordeaux Achard).

Les évaluations déjà citées des opérations pionnières des années 80 conduisaient à s’interroger sur ce type d’organisation au plan anthropologique, psychologique, sociologique… En effet, on observe que ces dispositifs sont tolérés dans les locaux de travail et ils y sont même relativement courants aujourd’hui. En revanche, dans l’habitat, le type de distribution des logements et les ambiances sonores notamment peuvent induire des situations dans lesquelles les principes d’indépendance des logements entre eux et d’intimité sont remis en cause, implicitement et parfois explicitement, même si ce dernier point est contesté par les concepteurs des projets.

L’axe intimité / vie collective

Une question autour de l’axe intimité / vie collective, voire autour d’ « intimité dévoilée » / « vie communautaire imposée » (les locataires de ses immeubles ne sont pas dans des démarches participatives) est donc en jeu dans ce type de disposition et il s’agissait dans le cadre de cette recherche de mettre au jour, par des nuances et/ou une gradation, ce qui est acceptable en la matière et ce qui semble l’être moins.

Sur ces questions, le PUCA a lancé en 2017 trois projets de recherche, chacun consacré à un immeuble particulier à l’issue d’un appel à propositions de recherche.

Trois équipes ont été retenues à l’issue d’un jury :

  • IPRAUS, Eden Square à Chantepie (Groupe Launay) : Effet de serre, Techniques, usages et imprévisibilité - Évaluation d’Eden Square à Chantepie et retour sur quelques opérations des années 1970/1980 -
  • GRF-Clermont-Ferrand, bâtiment D de l’Ilot Etranger/Blanqui/Achard à Bordeaux (Nexity, ANMA) : Effet de serre, Techniques, usages et imprévisibilité -Évaluation de l’ilot Achard-Blanqui-Estrangers à Bordeaux et retour sur une opération des années 1980 à St Etienne -
  • GRECCAU, bâtiment A de l’Îlot Etranger/Blanqui/Achard à Bordeaux (Domofrance, ANMA) : Approche pluridisciplinaire des ambiances, des conforts et des usages d’immeubles d’habitation à « cour couverte » -

L’acoustique

Enfin, la question de l’acoustique, particulièrement prégnante dans les critiques formulées à l’encontre des dispositifs d’espaces sous verrière d’atrium, « rue » ou « cour couverte », ont fait l’objet d’une commande d’investigation complémentaire confiée au bureau d’étude acoustique Gamba Acoustique, visant à comprendre les différents facteurs participant au confort ou à l’inconfort acoustique et ses conséquences dans ce type d’espace. Cette investigation a été conduite sur le cas de l’immeuble Eden Square mais pourrait éventuellement donner lieu à une étude similaire sur les deux autres immeubles.

Valorisation

Les immeubles d’habitation à cour bioclimatique - Les leçons de quatre expérimentations, Jean-Michel Léger, Marc Jaouen, Éditions PUCA, 144 pages, novembre 2023 | ISBN 978-2-11-138226-8

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